Les défis de l’Astrophysique

L’astrophysique est une science qui aborde des questions fondamentales telles que : la nature de notre Univers, sa composition avec notamment les questions sur la nature de la matière noire et de l’énergie noire qui contribuent pour 95% à la densité totale d’énergie de l’Univers. Comment s’assemblent les galaxies et particulièrement le rôle des trous noirs super-massifs dans l’évolution des galaxies. Comment se forment les étoiles et les planètes, problématique reliée à la recherche de la vie pour comprendre à la fois comment le système solaire s’est formé, et pour suivre l’évolution chimique de la matière, depuis les molécules interstellaires simples jusqu’à la vie planétaire. L’astrophysique est une science à fort potentiel de découvertes, très dépendante des avancées technologiques et théoriques. Les outils de plus en plus performants ont radicalement modifié notre vision du domaine au cours des 20 dernières années.

Cosmologie et évolution de l’univers

Un modèle très précis de l’évolution de l’univers a été élaboré ces dernières années, notamment grâce au satellite Planck qui a mesuré les fluctuations du fond diffus cosmologique avec une précision inégalée. Reste que ce modèle fait appel à deux ingrédients de nature complétement inconnue : la matière noire nécessaire pour expliquer la structuration de l’univers et l’énergie noire nécessaire pour expliquer l’accélération de l’expansion de l’univers ; ces composantes représentent 95% du contenu énergétique de l’Univers.
La prochaine mission spatiale phare pour étudier l’univers sombre est la mission Euclid de l’ESA (2020). L’analyse des données est un défi majeur en matière de données massives avec notamment la forme de milliards de galaxies à déterminer et à analyser par des techniques de deep learning pour lesquels les laboratoires franciliens sont bien placés. Outre les résultats cosmologiques, Euclid aura un fort impact sur l’étude de l’évolution des galaxies.
Un autre ingrédient clef du modèle cosmologique est l’inflation, période au tout début de l’univers au cours de laquelle l’univers a été en expansion extrêmement rapide. Un moyen de contraindre les théories proposées est de mesurer la polarisation du fond diffus cosmologique. La forte expertise acquise par des laboratoires franciliens sur Planck les amène tout naturellement à être très actifs pour participer à la prochaine mission spatiale sur cette thématique, qui pourrait prendre la forme d’une mission M5 de l’ESA ou d’une participation à une mission NASA (Pixie) ou japonaise (LiteBIRD).

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Cartes de l’émission polarisée de tout ciel à sept fréquences
Crédit : ESA/ Collaboration Planck

Phénomènes ultra-énergétiques dans l’univers

Une grande dynamique a été engagée pour l’exploration des phénomènes violents dans l’Univers. La mission spatiale INTEGRAL, en rayons γ, a apporté des informations précises et inédites sur la nucléosynthèse des supernovæ. À plus haute énergie, le satellite FERMI a mis en évidence des lobes d’émission de grandes dimensions de part et d’autre du plan galactique encore incompris. La mission franco-chinoise SVOM (2021) répondra aux énigmes des sursauts γ et du ciel transitoire. Au sol, l’expérience HESS a révolutionné notre vision du ciel γ au TeV : émission au centre galactique, au coeur des galaxies, pulsars, galaxies à flambée d’étoiles, galaxies radio et amas de galaxies. Son successeur international, CTA, initié en 2006, constitue le programme phare de l’astronomie γ pour les prochaines décennies marquant l’avènement d’une nouvelle astrophysique des hautes énergies avec la recherche de signaux de matière sombre dans l’Univers.

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Prototype du Gamma-ray Cherenkov Telescope (GCT) pour Cherenkov Telescope Array (CTA) - Observatoire de Meudon
Crédits Akira Okumura

Les rayons cosmiques sont un autre vecteur des énergies extrêmes dans l’Univers car produits au sein d’accélérateurs naturels gigantesques. L’observatoire sol Auger explore l’origine des rayons cosmiques et a exclu de nombreux modèles de production. L’une des évolutions récentes de l’astrophysique des phénomènes violents de l’Univers est incontestablement l’ouverture de cette discipline à de nouveaux messagers. L’astrophysique des neutrinos et des ondes gravitationnelles offre ainsi une nouvelle voie. L’expérience ANTARES et son détecteur KM3Net est l’un des précurseurs dans l’utilisation des neutrinos pour étudier les mécanismes mis en jeu. La révolution de la première détection d’ondes gravitationnelles fin 2015 s’annonce passionnante. C’est la première observation directe de trous noirs. Après les précurseurs VIRGO et LIGO, le projet Einstein Telescope au sol est en cours d’étude. Le European Pulsar Timing Array est à la recherche d’un fonds diffus d’ondes gravitationnelles primordiales engendrées par la naissance de l’Univers. Dans l’espace LISA Pathfinder a montré la faisabilité du futur grand observatoire spatial d’ondes gravitationnelles eLISA.

Formation stellaire

Dans le domaine de la formation stellaire, le télescope sub-millimétrique Herschel (2009, ESA) a tenu toute ses promesses en apportant une moisson extraordinaire de résultats quant au rôle de la filamentation des nuages moléculaires pour la formation des étoiles. Ces études se poursuivent actuellement avec la mise en service d’ALMA (interféromètre millimétrique) qui apporte une résolution spatiale inégalée dans ce domaine de longueurs d’onde, et dont les données seront complétées par celles obtenues sur l’interféromètre NOEMA de l’IRAM au plateau de Bure. L’un des objectifs majeurs est la détermination de la composition des grains et des gaz dans le milieu interstellaire et les zones de formation d’étoiles, avec un intérêt tout particulier pour les molécules organiques complexes qui pourraient jouer un rôle dans l’apparition de la vie. À l’horizon 2018, la mise en oeuvre du JWST, successeur du télescope spatial Hubble, et puis un peu plus tard celle des Extremely Large Telescopes (30–40 m) et du Square Kilometer Array (interféromètre radio) permettra de caractériser les
zones de formation stellaire à des échelles de l’ordre de la distance Terre-Soleil, permettant ainsi d’établir les liens entre formation stellaire et caractéristiques des exoplanètes.

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ALMA - Crédits ESO/Y. Beletsky

Exoplanètes

La découverte de la première exoplanète (51 Pegasi b) en 1995 fut une révolution, qui conduisit à un développement très rapide de la thématique. Plus de 3500 exoplanètes ont depuis été découvertes, notamment grâce à la mission spatiale CoRoT ; une très grande diversité a été observée, avec des types inconnus dans notre système solaire. L’effort porte maintenant sur la détection de planètes rocheuses dites « habitables » (possibilité d’eau sous forme liquide). Les planètes autour d’étoiles naines proches vont d’abord être recherchées avec le satellite TESS de la NASA qui utilise la méthode dite des transits (2017), et avec des spectro-polarimètres dans l’infrarouge proche, comme SPIROU au télescope Canada-France-Hawai’i en 2017 (action DIM ACAV). La recherche de planètes rocheuses « habitables » autour d’étoiles de type solaire sera la deuxième étape avec la mission PLATO de l’ESA (2024). En parallèle, la caractérisation d’exoplanètes par des observations spectroscopiques est très active. Il s’agit d’un enjeu majeur pour les conditions d’apparition de la vie, avec comme perspective à terme de découvrir de l’eau dans l’atmosphère d’une planète analogue à la Terre, puis des marqueurs biologiques comme l’ozone. Ce domaine est voué à un essor important avec JWST (NASA/ESA, 2018). Plusieurs laboratoires franciliens conduiront des programmes car impliqués dans son instrumentation. De même que pour la proposition de mission ESA ARIEL (2026) actuellement en phase A qui est dimensionnée pour une approche statistique. À l’horizon 2026 également, l’E-ELT sera opérationnel et permettra des observations à très haute résolution spectrale complémentaires des observations satellitaires dont l’intérêt est montré par les observations SPHERE sur le VLT.

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PLATO - Crédits CNES

Exploration du système solaire

La problématique des conditions d’apparition de la vie met en relation directe la recherche sur les exoplanètes et la planétologie du système solaire. La dynamique est très forte dans ce domaine. Nos laboratoires participent à toutes les missions citées, souvent avec des responsabilités d’instruments voire parfois de l’intégralité de la mission. Les sites les plus prometteurs pour l’exobiologie sur Mars ont été sélectionnés pour des missions d’exploration in situ suite aux résultats du spectro-imageur OMEGA de Mars Express (ESA) sur les régions où l’eau liquide a été présente. La mission Mars Science Laboratory de la NASA et son véhicule Curiosity explore depuis mi-2012 le cratère Gale et a confirmé la présence d’eau liquide dans un passé très lointain. Un véhicule européen (ExoMars/Pasteur, 2021) devrait explorer la région Oxalis. Une nouvelle mission in situ (Mars2020) a été programmée par la NASA. En parallèle, l’observation et la modélisation des atmosphères planétaires, de leur dynamique, et de leur évolution, les avancées en cosmochimie conduisent à proposer des concepts sur l’évolution des planètes et de leur habitabilité. La mission Cassini-Huygens (ESA/NASA, 2004) a obtenu des résultats remarquables sur le satellite Titan de Saturne, seul à posséder une atmosphère dense riche en composés organiques. La moisson de données continuera à être exploitée pendant des années. Cette chimie complexe est d’autant plus intéressante que des océans constituant des habitats possibles devraient être présents à l’intérieur de plusieurs satellites de glace. La mission européenne JUICE (2022) étudiera en détail deux des candidats les plus intéressants (Europe et Ganymède). Le programme spatial européen, avec Cluster et Cassini, puis la mission BepiColombo vers Mercure (2018) et enfin JUICE apportera des contributions essentielles à la caractérisation des magnétosphères planétaires dont le rôle de bouclier vis-àvis du vent solaire (Solar Orbiter, 2018) est crucial pour ,l’apparition de la vie. Le rendez-vous en 2014 de la sonde Rosetta (ESA) avec la comète Churyumov-Gerasimenko a permis d’obtenir des résultats uniques sur les caractéristiques du noyau, la physique et la chimie cométaire et sur les processus de formation des embryons planétaires. Des résultats fondamentaux sont attendus à partir de 2020 sur les échantillons de matière primitive rapportés des astéroïdes riches en carbone : (162173) Ryugu par la mission Hayabusa-2 de la JAXA et l’astéroïde (101955) Bennu par la mission OSIRIS-Rex de la NASA. La mission Rosetta puis la mission BepiColombo vers Mercure donnent à l’Europe un rôle de premier plan dans la compréhension des processus de formation planétaire dans les zones externes (Rosetta) et internes (BepiColombo) des nébuleuses protostellaires. Ces résultats pourront être mis en relation avec ceux des grands observatoires au sol (VLT, ALMA, NOEMA) et dans l’espace (JWST) sur les zones de formation stellaire.

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Mars 2020 - Crédits NASA JPL

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